Pour commencer : Chacun poursuit sa chimère sans jamais parvenir à la saisir… De retour sur la côte Tyrrhénienne, Arthur retrouve ses sympathiques potes pilleurs de tombes qu’il assiste grâce à un don précieux : Arthur perçoit le vide, le vide des cavités qui abritent de merveilleux trésors étrusques mais aussi le vide qu’a laissé son amour perdu, Beniamina. Arthur, l’Anglais, rêveur et taciturne, est à la fois idolâtré et exploité par ses amis tombaroli, pilleurs la nuit, soûlards le jour, pour son don à découvrir les tombes étrusques avec une petite baguette à deux branches. Peu lui importe si un jour, poursuivis par la police, les autres le laissent derrière et qu’il finit en prison. Il se fiche aussi de l’argent. Pour lui, tout ce qui compte, c’est de contempler la beauté de magnifiques bijoux et sculptures avant qu’ils ne soient revendus au fantomatique receleur Spartacus. Que le thème de l’archéologie apparaisse dans le cinéma d’Alice Rohrwacher a quelque chose de tout à fait logique. Non que l’œuvre de la cinéaste soit tournée vers le passé, c’est plutôt que ses films possèdent l’art de la promesse mystérieuse, du langage secret, de la fiction cachée sous la réalité. À l’image de ses précédents longs métrages, La Chimère fonctionne comme un fil d’Ariane nous invitant à la suivre on ne sait où. Cette idée est d’ailleurs brillamment illustrée par l’une des images les plus fortes du film : le fil d’une robe en laine qui se découd, emporté sous la surface de la terre. Alice Rohrwacher a le chic pour les métaphores à la poésie vertigineuse ou allégorique. L’un de ses personnages se nomme carrément Italia. Alice Rohrwacher creuse son sillon, examinant les rapports de ses personnages à leur environnement, mettant toujours en avant l’entraide et le collectif, sans oublier de leur inoculer un indispensable grain de folie. Elle expérimente les changements de formats, cadrage à l’envers, caméra qui suit le bâton de sourcier, passage de l’accordéon à l’electro… et scrute ainsi un microcosme, observé lui-même par un étranger, jusque dans un dénouement poétique que chacun interprétera avec son pessimisme… ou son optimisme. Les mots de la cinéaste Alice Rohrwacher : « Quand j’étais petite, j’entendais, dans les bars et ailleurs, les tombaroli raconter avec emphase ce qu’ils avaient trouvé dans les tombes étrusques pendant la nuit. […] Ce qui m’a marquée à l’époque, c’est le fait que cette pratique soit illégale, que ces personnes agissaient contre la loi de la Justice, mais aussi et surtout contre celle des morts. […] J’entendais qu’ils se sentaient dans leur bon droit, que, pour eux, les Étrusques leur avaient légué ces trésors afin qu’ils puissent vivre sans travailler. Entre les Romains et cette génération des années 1970-80, les tombes sont restées inviolées. […] Je fais du cinéma aussi pour affronter mes peurs, et je pense que cette peur de violer quelque chose m’a inspiré cette histoire. » L’équipe de Ciné mon Mardi d’après Le Polyester, Cineuropa, Abus de ciné et le dossier de presse ** Ciné mon mardi : Collectif de cinéphiles bénévoles créé en 2006, Ciné mon Mardi résiste et continue de vous proposer à Veynes des films d’auteur, du patrimoine ou de l’actualité du 7eArt, des ciné-débats ou d’autres occasions de cinéphilie.