
« Chaque évolution technologique dans les médias a été porteuse de son lot de questionnements et de craintes », constate Anthony Dez, coordinateur des conseillers numériques du territoire haut-alpin.
Il y a eu la TV et ses mangas, dont on montrait du doigt la violence dans les années 80. Dans les années 1990, c’est sur les jeux vidéo que l’opprobre était jetée. Place depuis quelques années au numérique, porte grande ouvert sur un monde immatériel mais bien réel, réseaux sociaux et plateformes vidéo en tête. Besoin de s’alarmer ? Plutôt oui, à en croire certaines études scientifiques sur le sujet : trop d’écrans lobotomiserait les cerveaux. Un message véhiculé un peu partout autour de nous. En atteste, notamment, le prix spécial Femina essai, qui en 2019, récompense La Fabrique du crétin digital de Michel Desmurget, docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm. Sur la petite jaquette de l’éditeur, le Seuil, on peut même lire « Alerte : jeunesse en danger ». « Mais quand on creuse un peu le discours scientifique, on se rend compte que les choses sont plus nuancées. » Le type de contenu joue un rôle majeur. Histoire de faire une analogie qui parle aux enfants de la télé, parents des enfants du numérique, 10 minutes devant un reportage ou un documentaire, ce n’est pas la même chose que 10 minutes à regarder des bêtisiers dont le fond n’est pas vraiment ce qui prime. Dans le même esprit, dire à son enfant « dans XXX minutes tu coupes ton jeu », « si ça tombe au beau milieu d’une partie, alors ce sera le conflit assuré », explique Anthony. Et de préciser : « Avant 7 ans, la notion de temps est encore floue. Un sablier pour aider à la matérialiser. »
« Les bizarreries d’ados ont toujours existé »
Autre élément à bien avoir en tête, « la parentalité numérique, c’est avant tout une question de parentalité. Souvent, nous sommes confrontés à des discours du genre « ça me dépasse tout ça. Tik Tok, j’y comprends rien. Je ne suis pas légitime. » Mais nos parents non plus ne comprenaient pas qu’on déchire nos jeans tout neuf en bons fans de Kurt Cobain. Et encore avant ça, la jeunesse qui se déhanchait en twistant sur les pistes de danse c’était incompréhensible pour les plus âgés », relativise Anthony. Les bizarreries d’ados, au regard des adultes, ont toujours existé, quelle que soit la façon dont elles s’expriment. Avec le numérique c’est pareil. « Et quand bien même, on n’y connait rien, on peut poser des questions à son enfant pour comprendre. La communication est essentielle : lui demander ce qu’il a regardé, ce qu’il en a compris, les émotions que cela a suscité chez lui… Et même si c’est pour parler de T’Choupi ou de tout autre sujet qui n’est pas votre tasse de thé. Pour les plus petits, le mieux est de ne pas les laisser seuls devant un écran, confrontés à eux-mêmes. » De la même manière, qu’en grossissant le trait, on ne laisserait pas un petit bout tout seul dans le noir devant Freddy Krueger et ses Griffes de la nuit. Ça tombe sous le sens, non ?
À l’inverse, existent des familles ultra geek, qui maîtrisent sur le bout des doigts le contrôle parental et qui savent influer à distance sur le smartphone de leur progéniture. Là aussi, c’est raisonner en termes de temps. Sans la dimension du contenu, il manque une partie primordiale : la communication, encore un fois. S’intéresser à, tenter de comprendre. Et aussi penser à montrer l’exemple : on perd légèrement en crédibilité à demander à son enfant « lâche les écrans », si, soi-même on a le nez collé à son portable.
Pas de mode d’emploi
Il est aussi important de ne pas faire de ce monde dématérialisé quelque chose qui n’existe pas vraiment, parce que pour l’enfant, il compte, il fait partie de sa vie, c’est culturel. Minimiser son impact pourrait avoir de conséquences insoupçonnées ou du moins contraires à l’effet escompté : « Un jeune qui joue en réseau, c’est parce qu’il aime ça. Mais s’il s’y fait insulter, le réflexe du parent va être de le protéger et donc de lui interdire d’y jouer. Du coup, c’est la double sanction. » À méditer donc. Finalement, en matière de parentalité numérique, le proverbe africain « il faut tout un village pour élever un enfant » prend tout son sens. Alors, parents, n’hésitez à échanger avec vos pairs, car il n’existe en réalité aucun mode d’emploi, comme il n’existe aucun recette miracle pour bien éduquer son enfant.
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