Culture : La lecture, quand un plaisir solitaire devient collectif

Tous les deux mois, l'Agence territoriale Nord propose des pauses lecture entre les murs de la Maison des solidarités de Briançon. Pas question d'un club littéraire lambda, mais le moyen de sortir de leur solitude des usagers que l'amour des mots rassemble.

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©Stéphanie Cachinero – Département des Hautes-Alpes

«Ici, je vois du monde. » Même si ses yeux ne lui permettent plus de s’adonner au plaisir des mots comme avant, Roger ne raterait pour rien au monde ce rendez-vous. Depuis deux ans, Patricia Belleville, secrétaire d’accueil de la Maison des solidarités (MDS) de L’Argentière-la-Bessée, Delphine, chargée d’orientation, Kathel, Caroline et Véronique, assistantes socio-éducatives invitent, tous les deux mois, les usagers à leurs pauses lecture*.
Notamment ceux en proie à l’isolement et dont elles pressentent un amour pour les livres. Parfois, Amélia, bibliothécaire au sein de la Médiathèque de Briançon, se joint à elles pour « nourrir » les séances. Véronique ne pourrait plus s’en passer. D’ailleurs elle le confesse dans un sourire complice, « c’est pour vous que je viens ».
«Ici, que des prénoms, pas de noms ni de fonctions au sein des MDS. Cela permet d’instaurer un rapport avec les gens autre que celui lié à l’accès à leurs droits, ou aux contraintes que nos métiers leur imposent. L’idée est d’instaurer un moment d’échange, de partage, et inciter les participants à sortir de chez eux, à se mettre en réseau. Leur montrer qu’il est possible de faire des choses, d’avoir des temps de loisir sans que cela ne coûte trop cher. Comme passer un moment à la médiathèque », déroulent les animatrices.

Lithothérapie et lac de Serre-Ponçon

Et pas obligé de venir avec un livre à présenter « si un jour on n’a pas envie de parler, c’est possible », lance Roger. D’ailleurs ce jour-là, Marika est venue les mains vides. Une première pour « s’imprégner et revenir si cela lui plaît ». Pas de dérogation possible, en revanche, pour nos agents animatrices. Histoire d’éviter que chacun ne passe deux heures à se regarder dans le blanc des yeux. Mieux, chaque pause lecture commence par un brise-glace. Cette fois-ci, chacun devait se présenter à travers un fait insolite inscrit sur un petit papier. Tirage au hasard. Retrouver de qui il s’agit. Voyage en Asie, du parapente au-dessus du lac de Serre-Ponçon, un petit chat retrouvé, une confiture réussie, la découverte de nos montagnes (c’est souvent ce qui nous entoure que l’on connaît le moins). Les discussions s’engagent dans les rires, les questions sur les uns et les autres se multiplient entre deux passages lus à haute voix. Les ouvrages du jour ? Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, Le courage de ne pas être aimé du philosophe Ichiro Kishimi ou encore Monographie de la ville de Névache où César Mouthon, fondateur de l’un des tout premiers complexes hôteliers des Hautes-Alpes, raconte sa vallée telle qu’elle était à son époque, le début du XXe siècle…
L’occasion de débattre des subtilités du français, de rebondir sur la construction du barrage de Serre-Ponçon, de découvrir le destin de ce Haut-Alpin hors norme autour d’un thé, un café qui réchauffe les mains et les âmes.


*Désormais enrichies d’une sortie théâtre, avec la participation du Département.

Stéphanie Cachinero

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