
«Édith, réveille toi. Il faut partir, tout de suite. Nous devons aller nous cacher. » Devant la petite fille d’à peine 8 ans, Jo, son père, tente de rester calme. La menace ? Un « monstre » en uniforme gris, juste derrière leur porte. Comme en furie, il grogne de plus en plus fort. « Vite ! », lance Jo. Dans la précipitation Édith oublie son Babar. « On a plus le temps ! », rétorque le père.
Les voilà dans la nuit noire. Ils marchent, discrets comme des petites souris. En scannant un QR code*, les pas d’Édith se mettent à résonner dans les oreilles des visiteurs de l’exposition « À (h) auteur d’enfant » (dès 8 ans), visible au château de Montmaur durant tout l’été. C’est comme si la fillette était juste là, nous guidant dans un couloir obscur, parsemé de voilages. Sur celui-là des têtes de morts ont remplacé les scintillements du firmament. Sur celui-ci les branches des arbres de la forêt prennent des formes fantasmagoriques, menaçantes. On ressent presque la terreur qui envahit Édith.
Une casquette SS qui glace le sang
Un peu plus loin, dans une vitrine sur la droite, une casquette SS d’époque. Face à cet accessoire annonciateur de mort, le sang commence à se glacer. Et finit par se figer totalement devant ce soulier d’enfant en cuir. Il y a plus de 80 ans, il était arraché du pied d’une autre petite fille, juive comme Édith. Sauf qu’elle, c’est à Auschwitz que s’est terminée son histoire. Son crime ? Être simplement née sous l’étoile de David.
La Shoah. L’un des pans les plus sombres de notre histoire racontée aux plus petits. Se mettre à hauteur d’enfant, l’objet même de cette exposition signée du Musée de la Résistance et de la déportation de l’Isère. Une histoire toujours apprise sur les bancs de l’école, mais qui ne fait plus échos chez les plus jeunes générations.
Au nom de la liberté et du respect
« Les enfants d’aujourd’hui n’ont plus de grands-parents ayant vécu la guerre. Alors que nombre d’entre nous, adultes, oui. Même si personne n’en parlait vraiment, elle était présente dans beaucoup de familles. Désormais, le lien avec cette période n’est presque plus tangible », note Cécile Turin, chargée de mission patrimoine alpin au Cedra. Et c’est justement pour qu’il perdure dans le temps que cette exposition est née. Pour que les valeurs « de liberté et de respect » continuent à avoir du sens. Pour ne pas oublier qu’entre 1939 et 1945, des hommes et des femmes ont donné leur vie, se sont élevés contre un régime dont la philosophie n’était autre que d’éradiquer ceux et celles qu’ils jugeaient comme indignes de l’humanité. Racisme, antisémitisme, haine de l’autre, comme credo.
Pour relater cette folie meurtrière qui dépasse l’entendement, quatre récits ont émergé de l’imagination de quatre auteurs/illustrateurs jeunesses : Romain Rousset nous dévoile ainsi la correspondance de Félix, prisonnier de guerre, qui écrit à sa femme ; Jérôme Ruillier nous plonge dans les pas de la petite Édith ; Clarisse Lochmann nous fait patienter dans une queue interminable pour glaner un peu de nourriture avec un garçonnet plein de vie et rêveur ; Géraldine Albieu nous conduit sur les traces d’un jeune homme qui part rejoindre son frère qui s’est réfugié dans le maquis du Vercors pour échapper au travail obligatoire imposé par l’envahisseur nazi. Des histoires émouvantes basées sur des faits historiques que des objets d’époque viennent ancrer dans le réel.
Rien que pour Montmaur
Pourquoi avoir choisi Montmaur ? Parce qu’« À (h) auteur d’enfant » prend une teinte toute particulière entre les murs du château, haut lieu de la Résistance haut-alpine. C’est en effet en son sein qu’est né le réseau La Chaîne, sous l’impulsion d’Antoine Mauduit (voir Flash Infos d’octobre 2024). Une réalité historique souvent méconnue qui s’est invitée pour la circonstance dans l’expo « À (h) auteur d’enfant », dont la présentation a été retravaillée par Jonathan Aubert, conseiller arts visuels au Cedra, pour s’adapter à cet écrin qu’est Montmaur.
À partir de 8 ans. Entrée libre, du mardi au samedi, de 14 à 18 heures. Retrouvez l’ensemble de la programmation et des événements du château sur Cedra.hautes-alpes.fr
Stéphanie Cachinero