Insertion : Insertion par le travail, se reconstruire pierre à pierre

L’insertion par le travail. Ça donne quoi sur le terrain ? Direction les remparts de Forts Queyras pour prendre un peu de hauteur et rencontrer des « salariés en transition » du Gabion. L'une des 15 structures spécialisées qui maillent le territoire avec le soutien du Département.

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©Stéphanie Cachinero – Département des Hautes-Alpes

«La réinsertion par le travail c’est le top du top », lance Victor*, la petite trentaine. Ce jour-là, tel un contorsionniste en équilibre, il prend de la hauteur. Plusieurs dizaines de mètres, sur un échafaudage géant solidement arrimé aux remparts de Fort Queyras. Sur ses épaules, un t-shirt gris. Dans son dos, le logo du Gabion, en charge de la restauration de ces murs centenaires. Avec lui, 4 autres habitants du Guillestrois et du Queyras, par ailleurs allocataires du revenu de solidarité active (RSA).

Au début de cette aventure portée par le Gabion avec le soutien du Département et du propriétaire du château, tout n’était pas aussi fluide et limpide qu’aujourd’hui. Il a fallu que chacun trouve ses marques. C’est en effet la première fois que Benoit Bianchi, encadrant technique, drive une équipe en insertion par le travail. Tailleur de pierre, la passion du métier chevillée au corps, il avait peur d’être trop exigeant face à des personnes, qui, quelques mois plutôt, découvraient complétement le métier. Un métier qui, pour lui, a nécessité des années d’apprentissages sous la bannière des compagnons, après un passage par le centre de formation du Gabion (qui a de nombreuses cordes à son arc).

Du côté des « salariés en transition », certains n’avaient plus noué aucun lien avec le marché de l’emploi depuis un bout de temps : heures fixes, respect des consignes, travail en équipe, journée de 7 heures. Quand on a plus l’habitude, ça rudoie. Et encore plus quand le travail est physique. Comme sur ces échafaudages. Alors oui, la mise en route a nécessité quelques ajustements, et échanges. Mais désormais, c’est le corps rempli d’une « bonne fatigue » et l’esprit satisfait d’avoir donné le meilleur d’eux-mêmes que Morphée leur tend les bras, le soir. Le matin, « l’envie de revenir » prend le relais, constate Pierre Sallé, directeur du Gabion. C’est ça quand on plonge dans l’univers du bâti ancien. Ce que confirme Victor, fier d’apporter sa contribution à la sauvegarde du patrimoine.

Qui va piano va sano

Lui, le goût de l’effort, il est arrivé avec dans ses valises. Sa vie d’avant ? L’élevage et la volonté de vivre le plus simplement possible, presque dans le dénuement. « Mais c’était trop. J’étais en train de m’isoler, me couper du monde. Ici, je réapprends à travailler en interaction avec les autres. Je me vois pas mal continuer dans la maçonnerie ». Un bon point de départ pour commencer à travailler sur son projet, avec Nathalie Gaudon, conseillère en insertion pro du Gabion.

Elle suit également Michaël, la cinquantaine, que l’on retrouve sur un autre chantier. De son futur professionnel, il n’a, pour le moment, aucune idée. Il a encore le temps pour y voir plus clair. Jusqu’à deux ans en CDD d’insertion. Un CDD pas comme les autres. Son objectif ? Remettre un pied dans le monde du travail, se confronter à ses contraintes, tester d’autres métiers lors de stages en entreprises, participer à des ateliers pour renforcer l’estime de soi… Un parcours complet qui se fait au rythme du salarié. Qui va piano va sano.
Il n’empêche que Michaël a déjà fait un grand pas, en « se remettant le pied à l’étrier ». « Quand on voit les gens évoluer, redresser les épaules et finalement nous quitter, là, notre action fait sens », confie Mathieu Séco, son référent technique. Se reconstruire, pierre après pierre. ☐
*Le prénom a été modifié.

Une politique volontariste dans les Hautes-Alpes

Vaste et complexe. Tel est le champ de l’insertion par le travail. Dans les Hautes-Alpes, elle prend de multiples formes : ateliers chantiers d’insertion (10), entreprises d’insertion (3), associations intermédiaires (1), entreprises de travail temporaire (1). Et intervient dans de nombreux domaines : bâti ancien, espaces verts, aménagements paysagers, ressourcerie… Le point commun de toutes ces structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) ? Être soutenues par le Département, au prorata du nombre de bénéficiaires du RSA* qu’elles accompagnent (296 en 2024). En matière de fonctionnement (584 600 € en 2024). Et désormais d’investissement (150 000 € pour cette toute première année). Le signe d’une politique départementale volontariste en la matière. Pour cette première mise en œuvre, 5 structures ont été retenues, en fonction des besoins les plus pressants. Pour faire le lien entre tout ce petit monde et s’assurer de la bonne répartition des subventions, Nathalie, référente en charge de l’emploi au sein du service Insertion du Département.

Les SIAE soutenues : Environnement et solidarité, La Petite ourse, Les Environneurs, Les Jardins du Buëch, Les Brigades natures, Le Gabion, Le Nez au vent, Les fils d’Ariane, Les Villages des Jeunes, la Ressourcerie de Pralong, Alpes blanchisserie insertion.

Stéphanie Cachinero

Les aides et services en faveur de l’insertion