Économie, Le Département : Anticiper pour mieux acheter : la révolution silencieuse de l’achat public

Ça ne saute pas aux yeux du quidam. Mais passer d’une logique de marchés publics à une démarche d’achat public, c’est une révolution quasi copernicienne. Aux manettes de ce virage à 180°, le service Achats et commande publique. Le maître mot ? La programmation. L’enjeu ? Utiliser toujours mieux les deniers publics.

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La commande publique ? Aride, indigeste, fastidieuse. Une image d’Épinal plus que vieillotte. D’ailleurs, seuls les dinosaures portent aux nues la seule commande publique (approche très procédurale). Aujourd’hui, l’expression consacrée, c’est l’achat public (vision plus stratégique, intégrant des objectifs qualitatifs, sociaux et environnementaux). Et il n’est pas question ici d’une coquetterie sémantique. Le Département l’a d’ailleurs bien compris en mettant en place une véritable démarche qui tranche avec des années de pratiques qui avaient quasi force de loi il n’y a pas si longtemps en France. De quoi embarquer l’ensemble des agents du service Achats et commande publique (SACP) dans une réflexion ayant abouti à une totale réorganisation.

Dans les règles de l’art juridique, mais pas que

Des règles à respecter. Des procédures à suivre. Dans la sphère publique, il ne suffit pas de mettre la main à la poche pour acheter des fournitures ou payer ses prestataires. D’ailleurs, au sujet des prestataires, pas question, non plus, de choisir untel ou unetelle en toute subjectivité ou pour favoriser des entreprises du coin. On ne fait pas ce qu’on veut comme on veut quand il s’agit de l’argent du contribuable. Dès 1964, le Code des marchés publics est venu poser les bases. Et pendant très longtemps, le prix le moins cher était considéré comme celui garantissant la « bonne utilisation des deniers publics ».
Une vérité encore au goût du jour dans les années 1990/2000, mais dont les plus jeunes diraient qu’elle est désormais à « côté de la plaque ».

Prévoir, pour mieux piloter

Ce qui distingue la commande publique de l’achat public, le pilotage né de l’expertise des agents du SACP : « On est loin de simplement notifier des marchés. L’achat ne se limite pas à un une commande dans un catalogue », ironise en grossissant le trait Maéva Laborde, directrice adjointe de la Dajap et chef du service Achats et commande publique. Et Matthieu Vollot, à la tête du Secrétariat général du Département (dont dépend le SACP), de saluer « la montée en puissance de la professionnalisation des agents ». Des compétences accrues pour un fil rouge : « informer, accompagner, contrôler », résume le secrétaire général. Mais pour cela, encore faut-il leur donner les moyens d’exprimer ce triptyque aux vertus sous-estimées.
C’est là que la programmation, véritable cap, entre en jeu. De quoi désarmer certains services, notamment ceux qui doivent faire preuve de réactivité face à l’imprévu (routes) ; dont l’activité dépend de l’actualité (communication) ; ou qui réclament de se renouveler au quotidien (restauration scolaire) … « Même dans ces cas-là, il est possible d’entrer dans une logique prévisionnelle. En général, d’une année sur l’autre, les volumes de dépenses sont plus ou moins identiques », met en relief Maéva. Mais ça, quand on a le nez dans le guidon, focus sur ses missions, on a du mal à le voir. Et c’est bien pour cela que le SACP est là, en appui, « en partenariat » même, des services. De quoi étendre le champ des possibles. Et avec la myriade de métiers que compte le Département, il y a de quoi faire.
Mais pour un accompagnement optimum, il faut pouvoir se dégager du temps. Et aussi avoir une idée assez précise sur la situation et les orientations de la collectivité. D’où, une fois de plus, l’importance de la programmation. Sans quoi le SACP restera soumis à la pression de notifications à traiter en masse en un laps de temps réduit : pas de quoi, dans ces conditions, avoir le loisir de prendre du recul et d’analyser dans leur ensemble les marchés en cours et à venir.

Piloter pour mieux conseiller

Et pourtant, avoir ce luxe, c’est se donner l’opportunité de remarquer que décaler d’un mois un chantier pourrait faire baisser la facture. L’impératif, cependant ? N’engendrer aucune entrave à l’efficacité opérationnelle des services.
Ou encore d’apporter un soutien à la Bibliothèque départementale en quête de nouveaux livres, mais ne disposant d’aucune minute à perdre pour examiner le meilleur type de marché à mettre en place. D’autant moins qu’il est facile de se perdre dans les méandres de la procédure quand on n’est pas juriste. À chacun son domaine pour une synergie efficace et, in fine, un service public vertueux et de qualité au rendez-vous.

Social, environnement, économie

En réalité, dès les années 1980, le vent d’une nouvelle approche des marchés publics commençait à tourner, lorsque que l’Union européenne emportait notamment dans son sillage les balbutiements d’une dimension sociale et environnementale.
Un paradigme renforcé avec une directive de 2004 puis en 2017, date à laquelle la Commission européenne a exhorté les États membres à utiliser la commande publique « d’une manière plus stratégique, afin d’obtenir un meilleur coût/efficacité pour chaque euro d’argent public et d’apporter leur pierre à la construction d’une économie plus[…] durable, inclusive et compétitive ».
Une direction que suit le Département depuis un bout de temps. Mais qui vient de revoir son ordre de marche dans le but d’aller encore plus loin dans sa démarche d’achat. En gros, le SACP reste et restera notre garde-fou, veillant au grain, histoire que chacun de nos 60 marchés par an (en moyenne), soit au carré, juridiquement parlant. Tout en faisant en sorte que la collectivité accorde une place grandissante aux volets environnemental et social de ses marchés. Avec toujours, la volonté de mettre une dose d’huile dans les rouages de l’économie (l’achat public représentait 8 % de PIB français en 2024, selon le baromètre de la commande publique), dont profiteront aussi les Hautes-Alpes (lire encadré).

Concilier efficience et contraintes budgétaires

Gagner du temps, engendrer de nouvelles économies. Dans un contexte où les budgets des Départements sont de plus en plus contraints, les citoyens de plus en plus exigeants et tatillons, un SACP efficace et au service de ses collègues est aujourd’hui indispensable.

Quand les chiffres nous éclairent
– 138 demandes adressées par les services à la Dajap en 2024
– 49 marchés programmés disposant d’une clause sociale et environnementale (28 pour le social et 44 pour le volet environnemental)
– 122 M€ c’est le montant prévisionnel pour 2025 que représentent les marchés publics au sein de la collectivité
– 77 entreprises prestataires au regard des marchés en cours

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