"À mes pairs...", ou la fusion entre la lettre et l'être
Jusqu'au 19 mai 2024, le Musée muséum départemental des Hautes-Alpes accueille l'exposition "À mes pairs…" de Jean-Noël László, une expo tout en jeu, avec les mots et les lettres.


« On est complètement dans ma tête », avoue d'un air amusé Jean-Noël László, au moment de donner les dernières touches à son exposition "À mes pairs…", qui investit jusqu'au 19 mai 2024 le rez-de-chaussée du Musée muséum départemental des Hautes-Alpes. Dans celle de Jean-Louis Mammi, régisseur des collections, on serait plus Gainsbourg et son Poinçonneur des Lilas.
Perforateur en mains, il fait des petits trous pour accueillir les 50 œuvres de l'artiste plasticien amoureux des lettres et des bons mots qui fusent entre deux références littéraires, artistiques ou de culture plus générale...
50 œuvres, fruit d'un travail initié l'année de ses 50 ans « un nouveau cycle » dans sa vie. 50 œuvres réparties en deux séries de 25 pièces chacune, car oui Jean-Noël aime la symétrie et l'ordre, « ce qui n'empêche pas la fantaisie », nuance l'artiste un rien goguenard (mais en toute bienveillance).
Sa première série rend hommage aux grands noms qui l'ont inspiré toute sa vie durant, à force de lectures, d'expositions, de recherches menées pour étancher son insatiable soif de curiosité : Allan Poe, Duchamp, Rimbaud, Warhol, Klein... Et d'autres plus confidentiels, à l'image de Ray Johnson, inventeur du mail art...
Le mail art, un courant fondateur pour Jean-Noël László, graphiste de formation, « artiste de communication », selon certains critiques.
Dans son esprit, la lettre et l'être sont intimement liés, d'ailleurs ne parle-t-on pas du pied d'une lettre, de son corps, du gras qui la caractérise. Quand on y réfléchit, une lettre est tout ce qu'il y a de plus organique.
Accepter l'interprétation du public
Alors c'est avec des lettres mêlées de poésie, de philosophie, de politique, d'humour et de symbolisme qu'il exprime son art dans cette exposition, qu'il « joue » avec la langue française. Mais pas que. Un exemple avec ce « cosa mentale » écrit à l'envers dans un écrin fait de fragments de papiers, tous issus de missives passées par La Poste, mais restées sans destinataires. « C'est une grande citation de de Vinci. Il aimait beaucoup écrire à l'envers. Alors... », explique Jean-Noël désignant d'un geste rond sa création. Il est certain qu'aidé de ses explications tout prend sens. Un sens qui peut toutefois échapper au visiteur. Pas grave, ça fait partie du jeu. « Accepter l'autre dans ce qu'il est », y compris dans son interprétation.
Une philosophie qui a aussi dirigé son travail dans la deuxième série de son expo. 25 featuring, dixit les jeunes générations. En résonnance avec une dialectique qui lui a servi de fil rouge : « faire savoir et savoir-faire ». Lui se chargeant de faire savoir. Au commencement, un jeu de mot de son cru, mis en matière par des artistes-artisans. Comme cette expression, « avoir un grain » qu'il a proposé (à escient) à un maître maroquinier formé au sein de la maison Hermès, d'où la double piqure habillant chacune des lettres couvertes de cuire, qui donnent à lire la formule désormais bien installée dans la langue de Molière. Et oui, une fois de plus la polysémie des mots est, ici, à l'œuvre : le grain de folie. Et celui du cuir, plus ou moins fin, selon les techniques de tannages.
Voilà pour ce petit avant-goût d'un voyage dans la tête de Jean-Noël László. Un voyage qui n'attend plus que vous. Un voyage qui est le fruit d'une année d'un travail de titan conduit en toute discrétion par les équipes du musée, à coup de demandes d'autorisations, de prêts à d'autres grands musées, de paperasses innombrables... ☐