Quand Littera05 sublime les œuvres du Musée muséum Départemental
Depuis peu, les voix des lectrices de Littera05 raisonnent ponctuellement dans le Musée muséum départemental des Hautes-Alpes, instaurant un véritable dialogue entre littérature et œuvres d'art. Récit d'un partenariat qui n'a pas dit son dernier mot.


Une rencontre fortuite dans le milieu du théâtre. Des idées qui naissent. Une alchimie qui opère, donnant naissance, quelques mois plus tard, à une première lecture à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes entre les murs du Musée muséum départemental. Des textes d'Annie Ernaux en l'occurrence, alors tout juste honorée du prix Nobel de littérature (la 17e femme, pour 102 hommes). De quoi marquer le début de cette aventure « litterato-artistique » qui deviendra très vite artistico-littéraire en prenant place au milieu même des œuvres de l'exposition Minérales* de Florence Barberis et Sylvie Deparis, fruit de leur résidence au Musée.
« Quand il s'agit d'art contemporain, le champ des possibles est infini. Les textes choisis allaient de la description scientifique, dont certaines peuvent s'avérer très poétiques, à des choses plus fantasques », confient dans un ping-pong complice Simone Delorme et Anne-Marie Smith de Littera05. Elles commencent désormais à bien connaître les lieux, et encore davantage leur responsable du développement des publics et de l'action culturelle, Camille Noize, à l'origine de ce vent de nouveauté.
La raison ? « Nous n'avons pas tous la même sensibilité face à l'art. L'objectif avec ces lectures est d'ouvrir de nouveaux horizons, de nouvelles portes dans le Musée. La langue en est une qui propose un dialogue intéressant avec les œuvres exposées ici. »
D'ailleurs, après Minérales, Camille a invité les lectrices de Literra05, regroupées au sein de La Voix des mots, à se confronter à un nouveau challenge autour de l'exposition La collection Barle, l'Espagne au cœur des Alpes. Étape numéro 1, s'imprégner des œuvres et de l'esprit des époux Barle. La méthode : petite visite guidée privée conduite par Anna Bernard, assistante de conservation. Les idées et références littéraires fusent dans leur tête.
Baudelaire à la rescousse
Durant la déambulation, Anne-Marie, Simone et Annette Rit, troisième consœur de cette aventure, aperçoivent ce buste sculpté dans le bois, hypnotique. Un ecce homo, « voici l'homme » en latin : les mots de Ponce Pilate au moment de livrer Jésus à la foule, manteau rouge de Romain sur les épaules, couronne d'épines sur la tête. « Les attributs du Christ, ecce homo », explique Anne-Marie, scrutant ce visage au regard d'une infinie tristesse. « L'art religieux a une place importante dans cette collection », remarquent ces trois amoureuses de l'art dans son acception la plus large. De quoi les effrayer un peu quant à la manière d'orienter leurs recherches de textes. Puis Baudelaire est arrivé à leur secours. Anne-Marie maîtrise plutôt bien les arcanes de l'œuvre de l'écrivain : « Il était également critique d'art et a signé nombre d'articles sur Velasquez, le Greco. Et encore davantage sur Goya. » Une première piste dont elles tireront le fil. Comme celui d'Ariane, il leur servira de guide dans leur quête. Les mois passent. Chaque trouvaille s'accompagne de discussions nourries entre co-lectrices. Elles aboutiront à la sélection présentée au public.
Au final, ce qui anime les lectrices de La Voix des mots, au-delà du plaisir de lire à voix haute, c'est de partager et faire découvrir des textes peu ou pas connus. Et pourquoi pas, susciter l'envie chez ceux qui boivent leurs paroles d'ouvrir les pages des ouvrages déclamés. Une fois leurs organes vocaux redevenus silencieux, les spectateurs redeviennent visiteurs, (re)plongeant dans l'exposition Barle, qui d'un coup résonne d'une nouvelle manière. En novembre prochain, les curieux auront de nouveau l'occasion de revivre cette expérience. Et bien d'autres par la suite.
Camille a, en effet, de nouvelles suggestions pour de futures collaborations notamment avec l'expo photos Forts de confins de Michel Eisenlohr « qui charrie un imaginaire fertile », sourit l'agent. À peine le projet exposé, « ça fait tilt » chez les passeuses de mots. Des noms d'auteurs, des titres d'ouvrages s'échappent, ici et là. Dans le même temps, les lectrices de Littera05 expriment leur amour pour un texte, L'instant précis où Monet entre dans l'atelier, centré sur l'une des célèbres œuvres du peintre, les Nymphéas. Et ça tombe bien, car cela pourrait parfaitement coller avec la Micro-Folie du musée. C'est certain, Littera05 n'a pas fini de dire son dernier mot au Musée muséum.
*Pour cette première collaboration, ont œuvré Claudine Robert-Mathieu et Marion Ferré, également lectrice de Littera05.