Remontée de la limite pluie neige : les rivières haut-alpines changent de régime
Vous ne le saviez peut-être pas. Mais nos rivières sont en pleine métamorphose. Au centre de cette évolution, le changement climatique. En général, quand on s'interroge sur ses effets en montagne, on pense tout de suite aux glaciers et à leur fonte spectaculaire. Une vision réductrice de ce qui se passe dans nos montagnes.


La remontée de la limite pluie neige, constatée et documentée par l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, rattachée au ministère en charge de l'environnement, a aussi une incidence sur « la quasi-totalité de nos rivières », explique Pascal Krieg-Rabeski, technicien gestion des cours d'eau. Et plus précisément sur leur « régime hydrologique ». En gros, sur la façon dont elles sont alimentées (glaciers, fonte des neiges, pluie...) et à quelle période. Bref, même si ça ne saute pas aux yeux des néophytes, nos cours d'eau ne fonctionnent plus tout à fait comme avant, ce qui impacte la nature ainsi que notre ressource en eau. Effet domino oblige.
La Séveraisse est ainsi en train de passer d'un régime glaciaire (alimentation par les glaciers) à un régime nival (alimentation liée à la fonte des neiges). Résultat, la rivière voit progressivement sa période d'eaux hautes décalée dans le temps : moins d'eau au printemps et en été . Et ce en un temps record, mettant la capacité d'adaptation de la biodiversité à rude épreuve.
Un déficit pluviométrique de 33 %
Autre constat fait depuis le terrain : il n'y a pas eu de forte montée des eaux ce printemps. Ce qui coïncide d'ailleurs avec les relevés des prévisionnistes de Météo France. Dès mai 2022, ces derniers mettaient en avant un manque de pluie, annonciateur de sécheresse. Prédictions qui se sont effectivement réalisées.
Alors certes, les Hautes-Alpes n'ont pas battu, cette année, leur record de sécheresse (comparé à 1962 ou 1984) « mais le phénomène s'inscrit dans la durée », avec un déficit de précipitations de 33 %, entre juillet 2021 et juillet 2022 précisent les météorologues.
Déficit qui s'est fait ressentir dès le printemps dans nos rivières et torrents privés de leur habituelle montée des eaux, liée notamment à la fonte des neiges.
Conséquence ? Leur débit est resté sensiblement bas, entravant la circulation et donc le renouvellement des sédiments au fond de leurs lits. Sédiments qui, faute de mouvement, ont tendance à se colmater au fur et à mesure, rendant plus difficile un bon développement des macro invertébrés et autres êtres vivants.
Or, cette faune quasi-invisible forme la base de la chaîne alimentaire et participe à l'épuration de l'eau. En septembre dernier, les techniciens de rivières ont ainsi observé, lors de leur dernière campagne de prélèvements, une diminution du nombre de macro invertébrés devenus, par ailleurs, plus petits.