Les agents « couteaux suisses » des aérodromes

On les retrouve aussi bien derrière le guichet d’accueil, que sur les pistes, outils en main, ou prêts à dégainer les pistolets de carburant. Leur dénomination est à l’image de leur côté couteau suisse : les agents d’accueil, d’entretien, d’exploitation et d’avitaillement.

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8h30. Au pied de la tour de contrôle de l'aérodrome de Tallard. Shirley Blais, agent d'accueil, d'entretien, d'exploitation et d'avitaillement, se dirige le pas vif vers la maison de l’air, encore endormie à cette heure. Sac posé. Stores levés. Portes principales déverrouillées. La caisse est tout juste opérationnelle que déjà les premiers clients arrivent. Des Suisses qui ont fait escale à Tallard la veille. Avant de reprendre les airs, un passage à la pompe s'impose. Shirley prend son imposant trousseau de clés. Direction le « tarmac ».

Activation de la pompe. Entrée de l’immatriculation du coucou à base de Charlie Tango Hôtel (alphabet aéronautique international). Vérification des normes de sécurité. Tout est OK. Décrochage du pistolet. Shirley laisse le remplissage de l'appareil à ses propriétaires comme le veut l’usage. Aéronefs, hélicos et même un Puma de l’armée française. Les « refioulages » s'enchainent. Et avec les allers-retours.

En saison haute, Shirley peut parcourir jusqu'à 14 km dans une journée. Il faut dire que ses foulées la conduisent absolument partout dans l’aérodrome, à l’image de Michel, son alter ego, en repos ce jour-là. Quand approche l'hiver, après la frénésie de l'été, les heures supplémentaires estivales justifient un certain nombre de récupérations.

Sans compter que l'aérodrome est ouvert tous les jours, à une ou deux exceptions près dans l'année. Bref, un week-end sur trois Shirley, Michel et Christine (au profil plus administratif, mais également en charge de l'accueil de l'avitaillement et capable d'intervenir en urgence si un aéronef rencontre un pépin sur la piste qui ne supporte aucune halte intempestive) sont sur le pont.

« En cas de crash, on engage notre responsabilité »

9 h 15. Test du carburant au niveau des trois pompes, mais aussi des cuves. Équipée de seaux en métal et de bocaux, Shirley procède aux prélèvements. Examen visuel et chimique, en cas de doute. Ce contrôle se fait encore plus poussé au moment de remplir les cuves : vérifications au sortir du camion-citerne des température et densité, à l'aide d'instruments de laboratoire et d'un document aux chiffres ésotériques. Une chose est toutefois limpide, pour tout ce qui a trait aux hydrocarbures, le droit à l'erreur n'est pas admise. « En cas de crash, c'est vers les personnes qui effectuent les contrôles que l'on se tourne en premier. On engage notre propre responsabilité. »

Si un problème est détecté, comme la présence d'eau, la méthode est simple : l'agent devra prélever au niveau du robinet de la cuve le carburant touché. Remplir son seau. Réintégrer le liquide dans le circuit, via un énorme entonnoir muni d'une peau de chamois qui retiendra les maudites molécules d’HO2. Et répéter l'opération autant que nécessaire. Mieux vaut lors avoir un bon physique.

En dernier recours, la pompe sera mise hors service. Les agents de la tour de contrôle seront alors avertis pour diffuser l’information aux pilotes.

Mais les missions de ces agents « couteaux suisses » vont bien au-delà : tonte des pelouses, ramassage des obstacles sur les pistes (y compris les cadavres d’oiseau), entretien et réparation de ces dernières à base d'enrobé provenant des Antennes techniques de rattachement, idem pour les balises de sécurité (manche à air, etc.), intervention dans les bâtiments (plomberie, carrelage…), marquages au sol... La liste est sans fin. « On ne fait jamais la même chose et c'est ce qui est plaisant », confie Shirley, armée d'une pince coupante de serre-fils pour de réparer une rambarde détériorée par le souffle d’un hélicoptère.

Être agent d'accueil, d'entretien, d'exploitation et d’avitaillement nécessite un côté … MacGyver.


Et à Aspres et Saint-Crépin?
Pour assurer l’ensemble de ces missions, les aérodromes de Saint-Crépin et d’Aspres-sur-Buëch (tout récemment équipé d’une station de carburant), de plus petite envergure, ne disposent pas d’agents dédiés à plein temps. Loan Marcy, du côté de Saint-Crépin, et Pascal Hugues, pour Aspres, partagent leurs activités avec leurs Antennes techniques respectives, Eygliers et Veynes.